Évolution, pas révolution…

Ce n’est pas un poisson d’avril… La nouvelle convention dentaire entrée en vigueur le 1er avril, jour de fake news tous azimuts, marque un premier pas vers le remboursement intégral des prothèses promis pour le 1er janvier 2021. Vous vous y perdez dans tous ces premiers ?

Reprenons : en juin dernier, la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) et l’Union dentaire ont signé avec l’assurance maladie un copieux texte de 147 p. visant à « rééquilibrer, dans la durée, l’activité des chirurgiens-dentistes dans le sens d’une valorisation des actes conservateurs et d’une stratégie fondée sur la prévention et l’accès aux soins dentaires », dixit la Sécurité sociale.

En clair, quatre axes sont définis : revaloriser les soins dentaires (entre 40 et 60%), tout en créant des plafonds pour 70% des actes prothétiques, qui devraient être à terme être remboursés intégralement (c’est là qu’on retrouve notre reste à charge zéro). La prévention et la prise en charge des populations plus fragiles constituent les deux derniers axes de la convention.

Concrètement, les prothèses dentaires du panier de soins 100% Santé, notamment les couronnes céramo-métalliques jusqu’à la première molaire incluse, se voient appliquer les premiers plafonds, soit 530€. Celles-ci passeront à 500€ maximum au 1er janvier 2020, date à laquelle les complémentaires santé intégreront la prise en charge intégrale.

Certains soins seront également mieux remboursés MAIS d’autres actes vont augmenter. « En acceptant le plafonnement des tarifs, nous avons fait des efforts pour les patients. C’est pourquoi nous allons augmenter les prix de certains soins », a déclaré Thierry Soulié, le président des Chirurgiens-dentistes de France.

Ce qu’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre… Pour certains dentistes, loin de clarifier le paysage, cette convention préfigure une nouvelle complexité : « Établir un devis pour un patient va devenir un véritable chemin de croix : trouver les bons codes, traiter les retours des mutuelles en fonction de leur statut d’assuré sans compter ceux des patients qui n’y comprendront rien… Le choc de simplification tant espéré n’aura évidemment pas lieu, c’est même le contraire qui se produira. » prédit le Dentalist.

Loin de nous l’idée de jouer les oiseaux de mauvais augure ! Et puisque les professionnels se forment aux arguties de ce nouvel outil, il peut être utile d’y jeter un œil…

Le reste à charge zéro, c’est quoi ?

Le « reste à charge zéro » est une promesse du candidat Macron. Il consiste en un remboursement intégral par la Sécurité sociale et les mutuelles de certaines lunettes, prothèses dentaires et auditives.

En France, de nombreuses personnes renoncent aux soins, ce qu’on appelle le non-recours. Les chiffres présentés par le ministère de la Santé font état de 67% de malentendants non équipés, de 17% de personnes renonçant aux soins dentaires et 10% aux lunettes. « Cette situation de non recours n’était pas tolérable, a expliqué Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Avec le « 100 % santé », nous avons voulu permettre aux personnes qui en ont besoin d’avoir accès à ces soins fondamentaux, sans aucun reste à charge financier ».

Un décret est paru au Journal officiel qui liste les équipements concernés par le remboursement intégral et un comité de suivi a été installé au ministère. Composé des représentants des organismes complémentaires, des associations de patients, de l’Assurance maladie et des syndicats nationaux des secteurs de l’audiologie et de l’optique, il a pour mission d’accompagner et d’évaluer la mise en œuvre de la réforme 100% santé d’ici 2021. Le suivi dans le secteur du dentaire sera assuré par les partenaires conventionnels, sous pilotage de l’assurance maladie.

Calendrier de la réforme

La mesure entre progressivement en œuvre à partir de 2019, jusqu’en 2021. L’offre est accessible aux Français bénéficiant d’une complémentaire santé responsable (soit actuellement 95% des contrats vendus sur le marché) ou de la CMU-c (y compris pour les personnes aujourd’hui éligibles à l’ACS qui bénéficieront à compter du 1er novembre 2019 de l’accès à la CMU-c). Tous les équipements qui composent le panier 100% Santé seront pris en charge intégralement par la Sécurité sociale et les complémentaires santé.

100% santé Ministère des solidarités et de la santé

En 2019 
Les tarifs du panier « 100% santé », seront plafonnés en audiologie et en dentaire.  Le remboursement des aides auditives (Sécurité sociale + complémentaire) augmentera de 100€, le reste à charge pour les assurés diminuera de 200€ en moyenne pour les aides auditives.

À compter de 2020
• « 100% santé » sera garanti en optique, pour une partie du panier dentaire.
• Pour les aides auditives, le plafond des tarifs sera abaissé de 200€ et le remboursement « Sécurité sociale + complémentaire » augmenté de 50€, soit un gain de reste à charge de 250€ en moyenne.

À compter de 2021
• « 100% santé » sera garanti pour le reste du panier dentaire et pour les aides auditives.

Pour l’optique

Au sein du panier « 100% santé », l’accès à des montures sans reste à charge sera possible pour des montures dont le prix sera inférieur ou égal à 30 €. L’opticien devra mettre en avant ces montures et proposer un minimum de 35 montures pour adultes et 20 montures pour enfants, avec 17 modèles différents de monture « adulte » correspondant à cette gamme et 10 modèles différents pour les enfants.

Les plafonds sont de 420 euros, monture et verres, pour des lunettes à verres unifocaux avec une correction entre -6 et +6 dioptries. Les tarifs montent à 700 euros, monture et verres, pour des lunettes à verres unifocaux avec une correction plus forte allant au-delà de -6/+6 dioptries et certains verres multifocaux ou progressifs.
Enfin, le plafond va jusqu’à 800 euros, monture et verres, pour une paire de lunettes à verres multifocaux ou progressifs offrant une correction encore plus forte. La monture, quant à elle, est prise totalement en charge jusqu’à un plafond de 100 euros.

Il sera possible de « panacher » des verres sans reste à charge et une monture plus chère, ou inversement. Le montant remboursé dépendra alors du contrat de l’assuré.

Pour l’audio

Les aides auditives sont classées en deux catégories : la première catégorie fait l’objet du dispositif sans reste à charge. La seconde catégorie permettra de proposer des équipements à prix libre.

Les équipements proposés dans ce panier sont des équipements de qualité – le panier inclut les dispositifs intra auriculaires – performants, avec 12 canaux de réglage et garanties associées : 30 jours minimum d’essai de l’aide auditive avant achat ; 4 ans de garantie.

Un plafond est précisé dans le décret : 950 € pour une oreille, 1 900 € au total, et sera applicable à partir de 2021. L’appareil auditif pourra être pris en charge tous les quatre ans.

Pour la classe 2, à tarifs libres, le tarif de prise en charge par les contrats des assureurs complémentaires (contrats responsables) limite la prise en charge totale  à 1700 € par oreille à appareiller.

Dossier de presse 100% Santé

Pour le dentaire

Il existera trois paniers de soins prothétiques :

1. Le panier « 100% santé », intégralement remboursé,

2. Un panier aux tarifs maîtrisés, via des prix plafonnés (25%),

3. Un panier aux tarifs libres permettant de choisir librement les techniques et les matériaux les plus sophistiqués Le panier de soins « 100% santé » permet de couvrir un large choix de prothèses fixes ou mobiles, avec des matériaux (céramo-métallique, céramique full zircon, etc.) dont la qualité esthétique est adaptée à la localisation de la dent (distinction des dents « visibles » et celles « non visibles »).

Les tarifs des mutuelles vont-ils augmenter ?

Une étude d’un cabinet Santiane publié fin octobre, affirme que l’explosion des remboursements pour arriver au reste à charge zéro obligera les complémentaires santé à relever leurs tarifs, en moyenne de 6,8% au terme des trois ans de déploiement du dispositif. Avec une facture plus salée pour les retraités, gros consommateurs de soins dentaires et d’appareils auditifs. Pour eux, la hausse de la cotisation se situera autour de 9,4%.

Le gouvernement souhaite que les mutuelles n’augmentent pas leurs tarifs : Benjamin Griveaux, son porte-parole, a ainsi déclaré sur France 2 : « Les mutuelles se sont engagées à ne pas augmenter les prix, je les invite à respecter les engagements pris devant l’État ». Selon le président de la Mutualité française, Thierry Beaudet, la modération tarifaire devrait régner en 2020.

Des impacts encore flous…

La réforme doit se traduire par un surcoût de dépenses d’un milliard d’euros, dont les trois quarts seront pris en charge par l’Assurance maladie, le quart restant par les complémentaires santé.

Un bras de fer s’est engagé entre le Gouvernement et les complémentaires pour contenir la hausse des tarifs. Au-delà, il s’agit de trouver un équilibre entre prix pratiqué et qualité des soins et étendue de la demande.

Pour la Fédération nationale des opticiens de France, « aucune étude d’impact n’a été réalisée par le gouvernement. On n’a aucune idée du comportement des consommateurs ». Si 20% des Français se reportent sur les offres 100% santé, Alain Gerbel, président de la Fédération craint la fermeture de 1 500 à 2000 points de vente ! Les grands réseaux pourraient se voir conforter au détriment des petits opticiens de quartier.

Du côté des associations de patients, si la réforme est de bon augure, la vigilance reste de mise. Dans un communiqué, France Assos santé écrit : « Nous restons vigilants, une enquête de l’UFC-Que choisir ayant fait état d’une hausse de plus de 4% pour la moitié des contrats étudiés en 2019 et certains allant même jusqu’à 20%. (…) S’engager à ne pas augmenter les tarifs du fait de la réforme ne signifie pas qu’il n’y aura pas de hausse pour d’autres motifs. »

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