De prime abord

Dans un royaume pas si éloigné, un porteur de lunettes cherchait vision claire,
Des équipements optiques de qualité, sans vider sa bourse ni son coffre.
Il découvrit l’offre « 100% Santé », une proposition alléchante, 
Des montures abordables, des verres de qualité, tout en préservant sa vue éclatante.

Mais voilà qu’un murmure parcourut les rues, la nouvelle fit le tour, 
Les équipements de la classe A, c’était 100% fabriqué à l’étranger, sans détour. 
Le porteur de lunettes, dans sa naïveté, s’étonna de cette étrangeté, 
Comment pouvait-il être « 100% Santé » et faire fi de toute rationnalité ?

Il se rendit chez l’opticien, une mine inquiète et perplexe, 
L’opticien, avec bienveillance, expliqua les tenants et aboutissants de cette offre complexe. 
« Mon cher porteur de lunettes, ne t’en fais pas », dit l’opticien avec calme, 
« C’est 100% Santé pour toi, mais pour la fabrication, c’est 100% lointain ».

Le porteur de lunettes gratta sa tête, se demandant ce qu’il devait faire, 
Entre sa santé visuelle et le patriotisme, il était dans la misère. 
« Ma bonne dame, mon bon monsieur, ne faut-il pas un juste équilibre? », 
« D’un côté la santé, de l’autre la fabrication, ce n’est pas facile à célébrer ».

Ainsi va la vie dans un royaume pas si serein, 
Où le porteur, l’opticien et l’État se retrouvent dans un étrange train.
La singulière prime, telle une farce amère, 
Révèle l’absurdité d’un choix sans lumière

Le retour de la « Grande Sécu »

Après deux ans de vie sociale au rythme du coronavirus, qui a révélé un grand nombre de dysfonctionnements dans l’organisation du système de santé, l’heure est venue d’examiner le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022. 

L’ occasion d’entendre une litanie tristement familière : déserts médicaux, difficultés d’accès aux soins, filière visuelle annoncée et toujours pas amorcée… Le Gouvernement tente de passer en force : accès direct à certains professionnels de santé – kinés, psychologues… – sans passer par la case du médecin généraliste censé gérer le « parcours de soins » ; délégations de tâches permettant aux orthoptistes de prescrire des corrections sans passer par la case ophtalmo… De quoi susciter la colère des professionnels concernés qui s’étonnent d’un manque de concertation… 

Dans le même temps, le Sénat a réalisé une seconde injection dans le cœur des Ocam en doublant la taxe Covid « au regard des économies réalisées par ces organismes pendant la pandémie », la fixant à 1 milliard d’euros pour 2021, au même niveau qu’en 2020, . Il est vrai qu’en dépit des demandes de « modération », les assureurs ont annoncé d’augmenter très fortement les contrats, entre 7 à 10 % selon la Fédération des mutuelles indépendantes, quand l’inflation n’est que de 1,5 % en 2021.

Le système de santé à deux vitesses s’enkyste, chacun le perçoit confusément quand il attend près de 80 jours en moyenne pour obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmo… 

Et on entend parler d’un rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie qui agite le spectre d’une grande Sécurité sociale, créant un seul et unique organisme de remboursement pour un même soin. 

L’idée déjà promue par certains pour un système plus solidaire, ne peut qu’irriter les mutuelles. Florence Jusot, économiste de la santé, déclare au Progrès : « Leur avenir, c’est la difficulté politique de ce choix. Elles auraient toujours une place pour le remboursement des dépassements d’honoraires ou les quelques soins qui resteraient mal remboursés par la sécurité sociale, ou qui ne sont pas reconnus comme la diététique ou l’ostéopathie. Les mutuelles auraient évidemment une part de marché plus faible et seraient les perdants de ce choix ».

Pour les assurés, ce serait au contraire un système plus simple et plus lisible. À n’en pas douter, le feuilleton de l’automne à suivre sur Public Sénat !

Liberté, égalité, made in France ?

À l’occasion d’une séance de questions à l’Assemblée nationale, le sénateur Xavier Iacovelli (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants), élu des Hauts-de-Seine, s’est ému que le dispositif du 100 % santé ne bénéficie pas complètement au made in France. Low cost, sûrement pas français, a-t-il insinué, souhaitant « favoriser la production française et soutenir nos PME », via un label « visant à mieux informer nos concitoyens et à les éclairer dans leurs choix ».

Cette auto-qualifiée « piste de réflexion intéressante » a suscité une molle réponse de la part du ministère de la Santé, arguant tout de même d’un bilan positif, « 48 % des prothèses dentaires posées entre janvier et septembre 2020 sont incluses dans le panier « 100 % santé » sans reste à charge pour les Français », a-t-il bataillé sans préciser l’origine des produits. « Certaines [prothèses] sont d’origine française. Les verres sont traités antirayures, antireflets et amincis. Il ne s’agit absolument pas de matériel low cost ou au rabais. »

Le Groupement des industriels et fabricants de l’optique estime quant à lui exorbitant « le prix payé par la filière de fabrication pour le succès de cette réforme, alors que ces verres et ces montures 100 % santé ne sont pas fabriqués en France ». Lors d’une réunion du comité de suivi de la réforme le 15 septembre dernier, il a évoqué « la difficile quadrature du cercle pour un gouvernement récemment engagé en faveur de la relocalisation des capacités de production en France, notamment s’agissant des industries de santé ».

Ce 100% santé, ce reste à charge zéro, ce « raque zéro », est-il une reforme compatible avec les attentes de chacun : patients, professionnels de santé, mutuelles, réseaux, industriels et l’État ?
NON !
Pour citer Mendès France (on a les références de ses artères…) : « Gouverner, c’est choisir, si difficiles que soient les choix. Choisir, cela ne veut pas dire forcément éliminer ceci ou cela, mais réduire ici et parfois augmenter ; en d’autres termes, fixer des rangs de priorité. »

Ainsi on ne peut que se réjouir du départ en fanfare du 100% santé dans le secteur de l’audition, une étude Harris interactive pour l’UFC-Que choisir et le réseau Santéclair, citée par le sénateur Iacovelli, a montré que 50 % des ventes d’appareils auditifs réalisées en janvier et février 2021 (dès leur intégration dans le dispositif) ont porté sur des offres sans reste à charge.  
On sabre le champagne d’un coté, soupe à la grimace de l’autre… Quel est la provenance des appareils de classe 1 auditif ?
La question est légitime et attend une réponse circonstanciée des pouvoirs publics que ce soit en audio, optique ou dentaire.
Les origines des produits multiples, les labels nombreux : « Made in France », « Origine France Garantie »… doivent être explicites pour le patient citoyen et contribuable.

La liberté d’un choix avisé et responsable, c’est ce que nous attendons de notre système de santé.

Liberté, égalité, 100% santé ?

C’est un sondage qui devrait ravir la rue de Ségur, où niche le ministère de la Santé (s’il n’était pas débordé de tous côtés par des variants qui rendent la surveillance des courbes épidémiques sismique : un coup on pense que ça va, le lendemain on reconfine à Dunkerque… Bref !). Selon le baromètre BVA pour le syndicat des audioprothésistes, si 51% des Français ont entendu parler de la réforme du 100% Santé, ils sont 88% à penser que c’est une bonne réforme ! Neuf Français sur dix contents, on devrait carrément faire sauter les bouchons de champ’, non ? 

« Cette réforme est la meilleure du monde » a déclaré l’optimiste patron du syndicat, Luis Godinho, lors d’une conférence de presse le 23 février. Que nous envieraient les autres pays européens ! C’est vrai qu’en Angleterre, le panier 100% santé n’est pas folichon, si l’on en croit les films où tous les boys portaient les mêmes lunettes à montures noires, pas sexy pour un sou. Il paraîtrait même, toujours selon Luis Godinho, que des Français résidant à Londres (il en reste quelques-uns après la vague du Brexit…) apprécieraient de venir se fournir ici, chez les audioprothésistes sympas qui, en plus de fournir des appareils de qualité, offrent aussi du conseil…

L’audio est le dernier secteur à être couvert par le 100% santé depuis le 1er janvier dernier. Comme l’optique et le dentaire, il pourra profiter de l’augmentation du recours aux soins, l’objectif affiché par la réforme. Mais comme l’a montré une étude de Carte Blanche partenaire, les Français apprécient d’avoir le choix : le panier du 100% ou les montures plus chères, la classe II plutôt que la classe I, contrairement à nos meilleurs ennemis les Anglais qui doivent prendre les trucs moches du NHS (National Health System). Ainsi la part de l’offre 100% santé en optique est de 7,2% dans le réseau qui réunit 3 opticiens sur 5 en France, contre 53% dans le dentaire. « Le choix et la décision appartiennent aux consommateurs », indique la plateforme.

Liberté, c’est inscrit au fronton de nos mairies. Et en ces temps de couvre-feu, confinement et autres interdictions, la liberté aussi minime soit-elle, fait du bien…

Et c’est sans doute cette soif de liberté qui a poussé les mutuelles à augmenter leurs tarifs et à moins bien rembourser des prestations qui ne sont pas couvertes par le 100%… Pour l’UFC Que choisir, qui veille au grain et dénonce « la maladive cupidité » de certaines mutuelles, trop c’est trop ! Certains contrats subissent une inflation de 4,1% alors que les mutuelles ont profité de la crise sanitaire (moins de soins à rembourser). L’association admoneste le Gouvernement et lui demande d’assurer une meilleure lisibilité des garanties, pour que la résiliation à tout moment du contrat d’assurance, entrée en vigueur le 1er décembre dernier, devienne une réalité.

Et bonne santé surtout !

En cette annus horribilis, ce vœu qui nous froissait les oreilles de sa trop grande banalité, résonne à nouveau intensément. Oui, la santé ! Ce bien ô combien essentiel, que nous souhaitons conserver le plus longtemps possible. Ces professionnels engagés que nous avons applaudis à 20h. Ce bien commun qu’il faudra réinstaller dans nos frontières si nous voulons collectivement lutter contre les prochaines pandémies annoncées…

La santé, ce sont d’abord les soins, auxquels, selon Olivier Véran, 63% des Français ont dû renoncer pour des raisons d’argent… L’argent est le nerf de la guerre sans doute, mais n’oublions pas la présence de professionnels de santé… La désertification médicale creuse son chemin, avec une démographie en berne : à titre d’exemple, l’Île-de-France a perdu 479 médecins libéraux en 18 mois nous indique le Quotidien du médecin le 11/12 !

Et la crise sanitaire, qui a déjà coûté la vie à plus de 60 000 Français, a contraint un nombre considérable de personnes à décaler des soins, par impossibilité de se rendre chez leurs médecins, par peur de choper ce satané virus dans la salle d’attente de l’hôpital, parce que l’urgence cette année terrible, se focalisait ailleurs… Selon le Journal du dimanche du 22 novembre, on comptait 2 millions de séjours en moins dans les hôpitaux, et jusqu’à – 87% de diagnostics du cancer colorectal… (Merci le confinement, épisode 1 !)

Et ceux qui y sont allés ont morflé : d’après un bilan de Santé publique France, depuis le début de l’année 2020, 15 654 personnes ont contracté le virus dans un établissement de santé : 9 041 patients, 6 604 soignants et 9 visiteurs…

Mais il faut regarder le futur avec optimisme. Car à partir du 1er janvier 2021, nos oreilles vont pouvoir se réjouir, puisque l’application des tarifs maîtrisés pour l’appareillage auditif entrera en vigueur… C’est le cas pour les appareils de classe 1, qui apportent une correction auditive de base, avec un prix plafonné, tandis que la classe 2, la grande classe, concerne des appareils évolués, connectés, plus chers.

Nous regardions ailleurs pendant que des combats se menaient, que des angoisses affleuraient. Nous avons presque oublié cette année les bisbilles des mutuelles, mais déjà les syndicats bruissent : Luis Godinho, président du Syndicat des audioprothésistes, prévient : « toutes les complémentaires ne jouent pas le jeu du 100 % Santé et vont nuire à cette réforme en augmentant le reste à charge de ceux qui choisissent la classe II. » Idem pour le Syndicat national des entreprises de l’audition, qui marque son territoire : « La prise en charge des malentendants ne doit pas être la variable d’ajustement de la réforme du 100 % Santé ». Des vieux mots, des vieux combats, inadaptés au monde d’après… Prenez soin de vous, sortez masqués et bonne année !

C’est la comm’ coco

Vos oreilles décrassées de publicité pendant la pause estivale, où elles ont été bercées par le doux chant des vagues et des cigales invisibles, ont sans doute été un peu surprises, quand la bise fut venue, d’entendre sur les ondes radio ce spot d’une banque-assurance prétendant couvrir mieux ses assurées avec une offre 100% santé, annonçant fièrement la fin des renoncements aux soins.

Nous, ça nous a un peu choqués. D’une part, le 100% santé n’est pas une gentille invention des assureurs, banquiers, etc. puisqu’il découle d’une réforme que nous tentons de vous expliquer depuis plus d’un an, qui oblige les mutuelles et autres à proposer un panier intégrant une offre « zéro reste à charge » pour les lunettes, prothèses dentaires et auditives.

Qu’à cela ne tienne. En cette rentrée bercée par l’incertitude, ce biais cognitif que notre cerveau n’aime pas, mais alors pas du tout, il est de bon ton de jouer sur l’amnésie collective plutôt que sur l’honnêteté. Avez-vous entendu une mutuelle, assureur, etc. communiquer sur l’obligation qui leur est faite à partir du 1er septembre de transmettre les informations sur les frais de gestion à tous leurs adhérents et futurs adhérents ? Un arrêté publié au Journal officiel le 7 mai 2020 a défini les modalités de communication… Non, ça ne vous dit rien ?

Vous n’avez pas non plus entendu parler de la brochure éditée par l’Unocam, (Union nationale des organismes complémentaires de l’assurance-maladie), « 6 clés pour mieux comprendre et bien choisir sa complémentaire santé » ? Pourtant, on y voit décryptés les modalités d’intervention des complémentaires, des cas pratiques illustrés de ce que rembourse chacun, les restes à charge et les bonnes questions à se poser pour choisir une complémentaire. Dommage non ? On vous l’offre ici. (Il y a même un glossaire, très bien fait…)

Par ailleurs, ce petit comparatif sera très utile, car bientôt, promis, chacun pourra résilier son contrat à tout moment, au-delà de la première année d’adhésion. Cette disposition prévue par la loi n°2019-733 du 14 juillet 2019 relative au droit de résiliation sans frais ni pénalités des contrats de complémentaire sera prise par décret. Vous pensez qu’une campagne de publicité vous préviendra ?

Nos très chers vieux

Au vu de la pandémie, le titre de cet édito pourrait paraître honteusement déplacé… Cependant, la publication du Haut conseil de la famille et de l’enfant du 17 avril dernier nous a titillé l’œil. « L’incidence des réformes du 100 % santé et de la complémentaire santé solidaire pour les personnes âgées » indique en effet que plus nous vieillissons, plus nos dépenses de santé augmentent : 4 460€ par an de 60 à 79 ans et 7 230€ pour les plus de 80 ans. Bien sûr, nous avons déjà paraphrasé ici notre philosophe favori, Coluche, qui disait qu’il valait mieux être jeune et en bonne santé que vieux et malade, mais quand même, 7 230 € par an, c’est le prix d’une très belle croisière, non ?

La solidarité nationale

Heureusement l’assurance maladie prend 80% de ce montant à sa charge, le reste à charge est donc en moyenne chez les personnes âgées de 832€ par an. 

Mais là où le bât blesse, c’est que la couverture complémentaire des plus âgés est beaucoup plus chère. À la retraite, en théorie, ils ne bénéficient plus des contrats collectifs supportés en partie par les entreprises. Donc pour un ménage de plus de 60 ans, le budget annuel du RAC et des cotisations complémentaires s’élève à 1 800 €, les trois quarts étant affectés au paiement des primes… 

Les niveaux de retraites étant disparates ainsi que les garanties proposées, on perçoit facilement la part que cela peut représenter sur les budgets des ménages.

Et le RAC zéro dans tout cela ?

Tout comme les primes, le RAC augmente avec l’âge. On l’a dit au premier paragraphe, si vous suivez bien. La philosophie du 100% santé ou RAC zéro, dans une société où le risque de solidarité intergénérationnelle s’effrite, est de permettre un accès aux soins renforcé pour ces tranches d’âge. Et de réduire à zéro le taux de renoncement aux soins qui reste assez important, pour les plus de 65 ans : 9% en optique, 15% dentaire et 30% en audioprothèses.

Mais ça c’était avant. Dorénavant le déficit de la sécurité sociale est estimé à 41 milliards d’euros en 2020, pire que le vertigineux déficit de 2010, qui avait suivi la crise de 2008. Les assurés n’en sont pas responsables, mais après avoir vu l’augmentation de leurs cotisations en dépit des engagements des organismes complémentaires, ils verront peut-être le panier de soins solidaire réduit comme peau de chagrin en 2022.  

Un œil dans le rétro

So 2019

Professionnels :
– Pester contre les complexités administratives du nouveau système, parler de « chemin de croix » pour établir un devis.
– Râler sur les petites lignes à décrypter dans l’instruction n° DSS/SD2A/SD3C/SD5B/SD5D/2019/116 relative aux contrats d’assurance maladie complémentaire responsables qui précise le contenu du nouveau panier de soins.
– S’énerver contre des codes LPP fournisseur, pas révisés depuis Eschyle et contre les machines qui ne vont pas assez vite.
– Refuser les avancées pour une santé solidaire, préférer la complexité.
– Se débattre avec les foires aux questions du ministère de l’économie pour savoir comment faire un devis.
– Exiger une baisse de la TVA.

Patients :
– Râler sur la hausse des cotisations attendue.
– Craindre une dégradation de la qualité des prestations avec le panier des soins.
Constater la hausse des cotisations, alors que la ministre de la Santé avait exigé des complémentaires qu’elles restent dans les clous de la réforme.

Ces comportements ont pu nous amuser, nous fatiguer. Ils sont aujourd’hui dépassés. Il a suffi d’un nouveau mot à notre vocabulaire.



Le Sars-CoV 2,
nouveau coronavirus,
responsable de la nouvelle maladie

Covid-19


Il rythme vos jours et vos nuits. Parti de Wuhan où les premiers morts ont été détectés, le virus paralyse aujourd’hui le monde entier : 77 pays et territoires ont pris des mesures de confinement total ou partiel. Depuis le 17 mars, la France est en mode pause. Sidération… Silence… Après le déni, place à l’incompréhension, à la panique, à l’exode, puis peut-être à la colère, et enfin à la créativité.

Les professionnels de santé s’organisent. Les premiers de corvée, les soignants dans les hôpitaux et les Ehpad paient un lourd tribut, envoyés à la guerre sans protection. Nous n’y reviendrons pas.

Le 20 mars, les dentistes gèrent un dispositif d’urgence. Si votre praticien usuel n’est pas dispo, un dentiste de garde est disponible en appelant le 09 705 00 205, dispositif mis en place par l’ordre des chirurgiens-dentistes, avec l’aval du ministère de la Santé.

Fin mars, les opticiens mettent en place un dispositif « inédit » : il est possible de faire appel à un « opticien de garde », sur le même modèle que les pharmaciens de garde. Un réseau d’opticiens volontaires répond à des situations d’urgence : renouvellement des équipements cassés ou perdus, délivrance d’un équipement optique pour le personnel soignant dans le cadre du plan Covid-19…

La fondation pour l’audition mobilise ses partenaires pour offrir une heure de téléphone gratuite supplémentaire avec un service de transcription. Elle met en ligne des fiches d’activité pour les parents d’enfants malentendants, recense les initiatives solidaires, les « conférences confinées » en langue des signes, indique ce qui reste accessible en termes de soins. Etc.

La solidarité, so 2020.

Pendant ce temps, la téléconsultation enregistre un boom : 486 369 ont été facturées la semaine du 23 au 29 mars, contre moins de 10 000 par semaine début mars, puis 80 000 la semaine du 16 mars. Les téléconsultations constituent désormais plus de 11% de l’ensemble des consultations contre moins de 1% avant la crise.

Les mutuelles à la traîne

C’est un fait : l’entrée en application de la réforme du reste à charge zéro patine. Chez les opticiens, on déplore des semaines d’attente pour faire passer les dossiers auprès des mutuelles. On râle parce qu’on a de plus en plus de travail, avec toutes les tâches administratives, et de moins en moins d’argent. Une tribune des opticiens du réseau Expert en santé visuelle (ESV) alerte les pouvoirs publics sur le « contexte économique pesant » et souhaite une baisse de la TVA.

Du côté des dentistes, ça râle aussi. L’union dentaire, syndicat représentatif, attirait l’attention du tout nouveau ministre de la Santé, Olivier Véran, sur ces problèmes : il est « incompréhensible et inacceptable » disait-il que les organismes complémentaires « ne [soient] pas être en conformité avec la loi plusieurs semaines après leur obligation de prendre en charge ces traitements et alors même qu’elles ont eu près d’un an pour s’y préparer »…

Du côté des consommateurs, ça colère. D’après l’UFC Que choisir, les complémentaires profitent de la réforme pour augmenter leurs tarifs, avec une hausse moyenne de 5%, et des évolutions allant de 0% à plus de 10%. Enquêtant auprès de ces adhérents, l’association conclut : « Si 10 % des assurés répondants ont vu leur cotisation augmenter de moins de 1,9 % en 2020, les 10 % les moins bien lotis ont subi une inflation supérieure à 12,5 %, qui dépasse même dans plusieurs cas 35 % ! » Bons élèves, les mutuelles, qui augmentent modérément, tandis que les institutions de prévoyance plafonnent. Ces « écarts béants » de prix poussent l’UFC que Choisir à demander au ministre de publier les décrets au plus tôt pour rendre effectif le droit de changer de contrat quand les assurés le souhaitent.

Malheureusement, Olivier Véran, ancien rapporteur d’une réforme des retraites un chouia malmenée, qu’il a troquée pour une crise de l’hôpital somme toute endémique, avant d’hériter d’une nouvelle crise sous la forme du Covid19… n’a pas pris le temps d’examiner ces requêtes. À l’heure où nous écrivons ces lignes, il se rend dans l’Oise à la recherche du patient zéro…

100% santé, le jour d’après !

Les Français ne comprennent rien aux démarches de simplification menées à brides abattues par le Gouvernement… Le 8 janvier, après avoir visité un centre mutualiste pour observer la mise en œuvre de la réforme du 100% santé, Agnès Buzyn s’est fait copieusement houspiller sur Twitter… D’aucuns lui conseillent de « choisir une paire de lunettes qui [lui] permette de voir correctement la situation des hôpitaux », d’autres lui répondent déserts médicaux et réforme des retraites : « L’accès aux soins c’est AUSSI s’assurer que les cabinets médicaux et paramédicaux sont en place de façon durable ! La hausse des cotisations liée à la réforme des retraites va menacer ces cabinets et par rebond TOUS les citoyens. Désert médical pour tous ? »… La majorité des citoyens, avec un sens de la mesure propre au réseau social, la traite tout simplement de « menteuse », puisque les mutuelles ont augmenté leur cotisation, au grand dam de la ministre qui leur avait demandé de raison garder. Agnès Buzyn fatiguée, exprimait juste avant Noël ses doutes, quant à son maintien au Gouvernement, dans un groupe Whats’App ministériel qui a fuité. Las, entre la grève qui dure, la démission de 1200 chefs de service hospitaliers de leurs tâches administratives, le climat social n’est pas à la réjouissance…

Comble de l’amalgame, ce tweet d’une union départementale CGT, ironisant sur les violences policières, devenues un autre sujet d’aporie politique de la macronie, et le 100% santé.

« Plus aucune raison de ne pas faire grève !
Plus aucune raison de ne pas venir en manifestation !
Avec #100pourCentSanté: Matraque dans les chicots = chicots remboursés!
LBD dans les lunettes = Lunettes remboursées!
#GreveGenerale #ReformeRetraite #greve2janvier 
»

Malheureusement pour la ministre, la réforme du reste à charge zéro bugge aussi du côté des opérateurs. Nous avons déjà évoqué ici le problème des codes et des nomenclatures, des machines qui ne sont pas prêtes pour assurer le passage sans douleur à une tarification claire… Nous avons aussi parlé du désir d’un tiers-payant intégral qui serait une condition sine qua non d’un reste à charge zéro, pour lequel les professionnels de santé freinent… Selon l’Argus de l’assurance, Patrick Solera, président de la Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL), estime que le tiers payant appartient « aux concessions à ne pas faire » car « on ne peut pas se mettre sous la tutelle des Ocam ». Du côté des opticiens, un peu plus de mesure, mais des exigences : « Nous demandions de lier le tiers-payant aux contrats responsables, mais nous n’avons pas été entendus », selon André Balbi, président du Rassemblent des opticiens de France (ROF). Le directeur général de Swiss Life prévoyance et santé résume l’état d’esprit ambiant en ce début d’année : « Il y a une méconnaissance assez forte des Français. Déjà que les spécialistes ne comprennent pas tous la même chose, alors imaginez le grand public »…

Grosse fatigue…

Et Bonne mutuelle !

Ça y est : à partir du 1er janvier, l’offre 100% Santé optique est disponible.Selon un communiqué de presse du ministère de la Santé, on se félicite que « dans ce cadre, changer de lunettes sur prescription médicale sera totalement remboursé » et que l’offre sera « de qualité » avec des montures « répondant à tous les besoins de correction visuelle et présentant de bonnes performances techniques (amincissement, verres anti-rayures, verres antireflets). »

Le ministère précise que chacun pourra composer ses lunettes, choisir des verres 100% santé et des montures plus chères qui dans ce cas, seront remboursées dans la limite de 100% pour la monture. Et là, c’est un peu le drame. D’une part, on a vu s’amonceler des menaces dans la presse qui s’intéresse aux sous des Français (mais what else ?, en cette période de vaches toujours désespérément maigres si on en croit la lassitude qui s’est exprimée sur les ronds-points et ailleurs, week-end après week-end de cette très longue année). Du style, exercice de maths (Capital, 18/12) :

« Sachant que le coût médian d’une monture est de 135 euros selon les calculs du ministère de la Santé, une monture sur deux induira un reste à charge supplémentaire d’au moins 35 euros à compter de l’application de la réforme. Si la monture est évaluée à 200 euros, ce sont 100 euros qui resteront à charge pour l’assuré, deux fois plus qu’avant la réforme. En revanche, rien ne change pour les montures allant jusqu’à 100 euros. »

D’autre part, le 100% ne s’appliquerait pas à tout le monde, déplore le groupe All, centrale d’achat qui fournit des lunettes à plus de 2000 opticiens indépendants, mais aux personnes qui bénéficient d’un contrat responsable (quasiment tout le monde) ou la nouvelle complémentaire santé (plus de 10 millions de personnes). Et de fustiger un système qui les empêcherait de conseiller les montures les plus chères et les verres made in France. 

Ce pays n’est pas raisonnable. D’un côté on râle parce que le système n’est pas universel, de l’autre chacun défend son pré carré… Par ailleurs, tous les opticiens doivent désormais présenter un devis double, comportant au minimum un équipement 100% Santé. Et là, tout le monde s’applique à démontrer que c’est très très compliqué. Comme nous vous l’expliquions en novembre, de histoires de codes viennent embrouiller la volonté de simplification affichée par l’équipe gouvernementale tous azimuts. Une réunion du comité de suivi et une publication claire comme de l’eau de roche de la DGCCRF plus tard, les choses se dessinent. En cette période de trêve des confiseurs, restons zen, nettoyons vos lunettes et regardons les choses avec un peu de recul…

Délai et utopies !

Ça patine dans la semoule… À quelques mois de la mise en application de la réforme, désormais mieux connue sous le nom de « 100% santé », le diable se niche dans les détails – comme souvent – et certains agitent le spectre d’un retard à l’allumage.

Selon les professionnels de l’optique, un chantier freine la volonté gouvernementale : celui des codes LPP fournisseur, nécessaires à la prise en charge des équipements optiques. Les opticiens doivent détenir une identification individuelle de chacun des produits inscrits en description générique sur la liste des produits et prestations prévue à l’article L. 165-1. Vous n’y comprenez rien ? C’est normal. Disons que les anciens codes n’avaient pas été révisés depuis, pff… et qu’il en faut des nouveaux pour correspondre aux dispositifs médicaux pris en charge à 100%. La Sécurité sociale vient donc d’inventer un double système, une tolérance de coexistence pendant quelques mois des anciens et des nouveaux codes. Jusqu’en juillet 2020 pour l’optique médicale et le grand appareillage orthopédique.

De la cuisine interne, certes. Mais les bons codes font les bons amis. Surtout que s’ajoute à cette première complexité l’exigence formulée par la ministre de la Santé d’avoir un tiers-payant intégral fonctionnel en même temps que le 100% santé. Et là, nos amis des organismes complémentaires ne sont pas contents, ils ne veulent pas qu’on leur impose des choses.

Rappelons que cette idée ne date pas d’hier : Marisol Touraine alors ministre de la Santé l’avait prévu pour 2017, personne n’était pour, enfin pas les médecins libéraux ni les complémentaires, donc. Un rapport de l’Inspection générale des affaires spéciales plus tard, et quelques développements informatiques aussi, une plateforme dite Paymed a été testée, dans six régions. Elle a l’air de fonctionner mais voilà le hic : « InterAMC, qui réunit les plus grosses complémentaires santé, refuse de passer une convention nationale et collective. Il veut que chacune des 474 complémentaires signe une convention avec chaque professionnel », a expliqué Luis Godinho, président de l’Unsaf, au Parisien.

Comment voulez-vous qu’on y arrive ?

Techniquement nous savons faire, a déclaré la ministre. Il suffit que les professionnels de santé s’en emparent et que les complémentaires jouent le jeu. À cette complexité politico-technocratique, certains préfèrent une 100% Sécu, un système où la Caisse assurerait une prise en charge complète des soins, conduisant à la disparition des complémentaires. Des doux utopistes ?

Qui va payer le RAC zéro ?

Le reste à charge zéro avance masqué. Alors que la traditionnelle étude de la Direction de la recherche et des études statistiques de la Sécurité sociale (la Drees) sur les dépenses de santé montre qu’en 2018, les Français ont consacré en moyenne 3 037€ à leur santé, il n’en demeure pas moins que sur cette somme, 78% sont de fait payés par la Sécu.

Le reste à charge des ménages, ce que les Français paient de leur poche est d’environ 210 € par an, soit 7% des frais réels de santé, contre 7,5% en 2017. Même si ce budget varie considérablement selon l’âge ou l’état de santés, sera-t-il équivalent à zéro avec le reste à charge zéro ?

Peut-être est-il bon de rappeler, en ces temps de trouble dans le pacte républicain et alors que le rituel projet de loi de financement de la Sécurité sociale sera examiné prochainement par le Parlement, que le système français est un mix entre la cotisation et l’assurantiel. La CSG, les cotisations sociales, c’est vous qui les payez. Et puis, vous payez aussi une complémentaire pour avoir un peu de marge au-delà du pot commun de la solidarité nationale.

Et là, alors qu’Agnès Buzyn ne cesse de rappeler à l’ordre les complémentaires pour qu’elles ne répercutent pas sur leurs tarifs les surcoûts liés à la mise en place du RAC 0, c’est un peu la foire d’empoigne… Selon l’AFP, qui a consulté une demi-douzaine de courtiers, la tendance haussière serait engagée, notamment pour les plus âgés ou les personnes mal couvertes… La Macif a beau jeu de déclarer qu’elle ne ferait pas subir à ses adhérents l’inflation annuelle des coûts de santé (un élément de calcul qui n’a rien à voir avec le RAC 0), elle prévoit quand même d’appliquer une hausse tarifaire liée à l’âge (!)… Depuis Coluche, tout le monde connaît la chanson : Mieux vaut être jeune et riche que pauvre et sans-dents…

Mais le Gouvernement met la pression sans relâche sur le secteur qui, entre la réforme du RAC 0, celle de l’aide à la complémentaire santé qui devient au 1er novembre une CMU-C contributive, et les exigences de transparence ou « engagement pour la lisibilité des garanties de complémentaire santé » qui doit permettre aux assurés de mieux comparer les offres, semble pour l’instant le plus stressé…

Alignement des astres en 2022

Objectif « Zéro délai en 2022 », tel est le cri du cœur du Snof, principal syndicat des ophtalmologistes qui constate, avec une étude réalisée par le CSA, qu’il faut encore attendre 43 jours en 2018 pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste. « Zéro délai » pour « zéro reste à charge », on peut penser que les astres s’aligneront en 2022. 

Rappelons que durant l’année 2016-2017, le délai moyen pour voir un ophtalmo était de 66 jours. « Cette amélioration significative des délais de rendez-vous a été obtenue grâce à une implication sans précédent des ophtalmologistes. Des mesures complémentaires comme le développement de l’exercice en sites secondaires ou l’optimisation des agendas via la prise de rendez-vous en ligne devraient encore soutenir la dynamique sans démédicalisation, a indiqué le docteur Bour, président du Snof, dans un communiqué de presse.

Premier facteur de succès : la prise de rendez-vous en ligne est en effet de plus en plus courante et permet aux patients comme aux professionnels de mieux gérer leurs agendas. Le Dr Bour commente : « Nous sommes convaincus que l’optimisation de la gestion des plannings est un levier déterminant pour l’amélioration des délais : 3 à 10 personnes par jour ne viennent pas à leur rendez-vous… c’est un vrai gâchis ! Avec la moitié des praticiens libéraux ayant un site de prise de rendez-vous en ligne, l’ophtalmologie est une spécialité leader en la matière. Le potentiel de développement est encore important : nous avons pour objectif que les 3/4 des cabinets soient équipés d’ici deux ans. »

Que de défis à relever ! Que 2022 sera belle !

En attendant, le cabinet Deloitte a questionné les patients sur leurs attentes en matière de santé. Bizarrement, ils sont moins optimistes. Plus de la moitié d’entre eux craint que la réforme 100% santé amène une hausse des cotisations (58%) et 30% s’attend à une dégradation de la qualité des prestations.

Et ces Français, ces indécrottables conservateurs, ne veulent pas changer leurs habitudes de consommation pour coller au panier standard. Ainsi, aucun changement à attendre de 67% d’entre eux en matière dentaire, 66% pour ce qui concerne l’optique.

Améliorations d’un côté, angoisses de l’autre. En attendant, il faut chausser de bonnes lunettes pour déchiffrer le diable dans tous les détails de cette instruction N° DSS/SD2A/SD3C/SD5B/SD5D/2019/116 du 29 mai 2019 relative aux contrats d’assurance maladie complémentaire responsables et qui précise le contenu du nouveau panier de soins. Non, ne nous remerciez pas, c’est cadeau !

Durs de la feuille…

Selon les études scientifiques (ça fait toujours bien de commencer comme ça), comparé aux hommes sains d’oreille et d’esprit, ceux qui souffrent de déficit auditif léger auraient un risque relatif de déclin cognitif plus élevé de 30%, ceux ayant une perte auditive modérée de 42% et ceux dont la perte auditive est sévère de 54% !
C’est énorme, et ça s’explique : la « presbyacousie » pourrait isoler la personne et entraîner une perte de lien social… Un engrenage vers la solitude, le manque d’interactions sociales, et une moindre sollicitation neuronale.

C’est ce que révèle une étude américaine qui vient donner du poids à cette phrase de l’écrivain David Lodge dans la Vie en sourdine : « Les sons ont du sens, ils véhi­culent de l’information ou communiquent un plaisir esthétique. Le bruit est laid et dépourvu de sens. La surdité transforme tant de sons en bruits que vous préférez opter pour le silence ». CQFD.

La réforme du RAC Zéro devrait donc avoir un bénéfice en termes de santé mentale des Français, qui ne sont pas des adeptes de la consultation chez l’ORL : « Un Français sur deux ne va jamais consulter de sa vie un spécialiste pour faire contrôler son audition », s’inquiétait Jean-Louis Horvilleur, audioprothésiste impliqué dans l’organisation de la Semaine du son, qui sensibilise les Français à la santé de leurs pavillons et agit pour diminuer l’agression sonore.

Une prise en charge précoce avec des prothèses auditives adaptées permet dans la plupart des cas de vivre une vie normale, de ralentir la perte d’audition et de ménager ses neurones. Or, jusqu’à très récemment, ces prothèses coûtaient un bras, passez-nous l’expression, et retardaient l’équipement.
Depuis le 1er janvier, près de 8 000 patients auraient bénéficié d’un remboursement amélioré, selon la directrice de la Sécurité sociale. Le reste à charge est pour l’instant réduit de 200 euros par aide auditive, le prix de vente est passé de 1 500 à 1 300 euros pour les aides labellisées, celles figurant dans le panier de soins. Ce n’est pas encore du 100%, puisqu’il faudra attendre 2021 pour atteindre cet objectif, mais c’est une première étape, vers un monde où l’on s’entend (à peu près) bien…

Évolution, pas révolution…

Ce n’est pas un poisson d’avril… La nouvelle convention dentaire entrée en vigueur le 1er avril, jour de fake news tous azimuts, marque un premier pas vers le remboursement intégral des prothèses promis pour le 1er janvier 2021. Vous vous y perdez dans tous ces premiers ?

Reprenons : en juin dernier, la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) et l’Union dentaire ont signé avec l’assurance maladie un copieux texte de 147 p. visant à « rééquilibrer, dans la durée, l’activité des chirurgiens-dentistes dans le sens d’une valorisation des actes conservateurs et d’une stratégie fondée sur la prévention et l’accès aux soins dentaires », dixit la Sécurité sociale.

En clair, quatre axes sont définis : revaloriser les soins dentaires (entre 40 et 60%), tout en créant des plafonds pour 70% des actes prothétiques, qui devraient être à terme être remboursés intégralement (c’est là qu’on retrouve notre reste à charge zéro). La prévention et la prise en charge des populations plus fragiles constituent les deux derniers axes de la convention.

Concrètement, les prothèses dentaires du panier de soins 100% Santé, notamment les couronnes céramo-métalliques jusqu’à la première molaire incluse, se voient appliquer les premiers plafonds, soit 530€. Celles-ci passeront à 500€ maximum au 1er janvier 2020, date à laquelle les complémentaires santé intégreront la prise en charge intégrale.

Certains soins seront également mieux remboursés MAIS d’autres actes vont augmenter. « En acceptant le plafonnement des tarifs, nous avons fait des efforts pour les patients. C’est pourquoi nous allons augmenter les prix de certains soins », a déclaré Thierry Soulié, le président des Chirurgiens-dentistes de France.

Ce qu’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre… Pour certains dentistes, loin de clarifier le paysage, cette convention préfigure une nouvelle complexité : « Établir un devis pour un patient va devenir un véritable chemin de croix : trouver les bons codes, traiter les retours des mutuelles en fonction de leur statut d’assuré sans compter ceux des patients qui n’y comprendront rien… Le choc de simplification tant espéré n’aura évidemment pas lieu, c’est même le contraire qui se produira. » prédit le Dentalist.

Loin de nous l’idée de jouer les oiseaux de mauvais augure ! Et puisque les professionnels se forment aux arguties de ce nouvel outil, il peut être utile d’y jeter un œil…

Rien et autres nuées

Stéphane Junique, capitaine du vaisseau amiral Harmonie mutuelle, qui se targue d’être la première mutuelle de France avec plus de 4 millions d’assurés en santé, a pris la décision surprenante d’appliquer dès 2019 la réforme dite du reste à charge zéro. Alors que le dispositif reste un mirage lointain – 2021 c’est loin, et que les spécialistes collapsologues agitent le spectre d’une médecine low cost à l’arrière-goût de retour vers le futur, le président persiste et signe, espérant entraîner dans son sillage épique le reste de la troupe

« Nous partîmes cinq cents et par un prompt renfort… » Stéphane Junique comptait sans doute dépasser les 3000 en arrivant au port ? Son acte reste pour l’heure isolé. Coup médiatique ou sens social chevillé au corps ? La mutuelle Harmonie évoque « l’intérêt de ses adhérents » et la volonté de « lutter contre le renoncement aux soins pour des raisons financières qui touche encore trop de Français ». Dans un vibrant communiqué de presse, la mutuelle plaise sa cause : « La question de l’accès aux soins est en effet au cœur de l’ADN d’Harmonie Mutuelle. Elle agit résolument en ce sens notamment en prenant à nouveau ses responsabilités sur le sujet des reste-à-charge ». Tout en assurant qu’aucune hausse des cotisations n’accompagnera ce geste.

Une charité bien ordonnée ?

Précisons toutefois qu’il s’agit d’offrir cette prestation aux 2 millions de personnes qui ne bénéficient pas d’un contrat d’entreprises, soit des retraités, travailleurs indépendants, libéraux… et qu’ils devront pour cela se rendre chez un des 4 200 opticiens, 3 500 audioprothésistes et 3 300 dentistes conventionnés, dont les tarifs, assure Stéphane Junique, sont facturés 20 % moins cher aux adhérents de sa mutuelle. Une anticipation à moindre coût, donc, et qui sert le réseau. L’opération a cependant été chiffrée à dix millions d’euros en 2019 et 3,3 millions en 2020.

N’oublions pas non plus qu’Harmonie appartient au groupe VYV, qui assure dix millions de Français, rassemble près de 1 000 établissements de soin dans dix-sept domaines d’activité, devenant ainsi le premier opérateur non lucratif en France. Ceci n’est pas un mirage.

Le reste à charge zéro, c’est quoi ?

Le « reste à charge zéro » est une promesse du candidat Macron. Il consiste en un remboursement intégral par la Sécurité sociale et les mutuelles de certaines lunettes, prothèses dentaires et auditives.

En France, de nombreuses personnes renoncent aux soins, ce qu’on appelle le non-recours. Les chiffres présentés par le ministère de la Santé font état de 67% de malentendants non équipés, de 17% de personnes renonçant aux soins dentaires et 10% aux lunettes. « Cette situation de non recours n’était pas tolérable, a expliqué Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Avec le « 100 % santé », nous avons voulu permettre aux personnes qui en ont besoin d’avoir accès à ces soins fondamentaux, sans aucun reste à charge financier ».

Un décret est paru au Journal officiel qui liste les équipements concernés par le remboursement intégral et un comité de suivi a été installé au ministère. Composé des représentants des organismes complémentaires, des associations de patients, de l’Assurance maladie et des syndicats nationaux des secteurs de l’audiologie et de l’optique, il a pour mission d’accompagner et d’évaluer la mise en œuvre de la réforme 100% santé d’ici 2021. Le suivi dans le secteur du dentaire sera assuré par les partenaires conventionnels, sous pilotage de l’assurance maladie.

Calendrier de la réforme

La mesure entre progressivement en œuvre à partir de 2019, jusqu’en 2021. L’offre est accessible aux Français bénéficiant d’une complémentaire santé responsable (soit actuellement 95% des contrats vendus sur le marché) ou de la CMU-c (y compris pour les personnes aujourd’hui éligibles à l’ACS qui bénéficieront à compter du 1er novembre 2019 de l’accès à la CMU-c). Tous les équipements qui composent le panier 100% Santé seront pris en charge intégralement par la Sécurité sociale et les complémentaires santé.

100% santé Ministère des solidarités et de la santé

En 2019 
Les tarifs du panier « 100% santé », seront plafonnés en audiologie et en dentaire.  Le remboursement des aides auditives (Sécurité sociale + complémentaire) augmentera de 100€, le reste à charge pour les assurés diminuera de 200€ en moyenne pour les aides auditives.

À compter de 2020
• « 100% santé » sera garanti en optique, pour une partie du panier dentaire.
• Pour les aides auditives, le plafond des tarifs sera abaissé de 200€ et le remboursement « Sécurité sociale + complémentaire » augmenté de 50€, soit un gain de reste à charge de 250€ en moyenne.

À compter de 2021
• « 100% santé » sera garanti pour le reste du panier dentaire et pour les aides auditives.

Pour l’optique

Au sein du panier « 100% santé », l’accès à des montures sans reste à charge sera possible pour des montures dont le prix sera inférieur ou égal à 30 €. L’opticien devra mettre en avant ces montures et proposer un minimum de 35 montures pour adultes et 20 montures pour enfants, avec 17 modèles différents de monture « adulte » correspondant à cette gamme et 10 modèles différents pour les enfants.

Les plafonds sont de 420 euros, monture et verres, pour des lunettes à verres unifocaux avec une correction entre -6 et +6 dioptries. Les tarifs montent à 700 euros, monture et verres, pour des lunettes à verres unifocaux avec une correction plus forte allant au-delà de -6/+6 dioptries et certains verres multifocaux ou progressifs.
Enfin, le plafond va jusqu’à 800 euros, monture et verres, pour une paire de lunettes à verres multifocaux ou progressifs offrant une correction encore plus forte. La monture, quant à elle, est prise totalement en charge jusqu’à un plafond de 100 euros.

Il sera possible de « panacher » des verres sans reste à charge et une monture plus chère, ou inversement. Le montant remboursé dépendra alors du contrat de l’assuré.

Pour l’audio

Les aides auditives sont classées en deux catégories : la première catégorie fait l’objet du dispositif sans reste à charge. La seconde catégorie permettra de proposer des équipements à prix libre.

Les équipements proposés dans ce panier sont des équipements de qualité – le panier inclut les dispositifs intra auriculaires – performants, avec 12 canaux de réglage et garanties associées : 30 jours minimum d’essai de l’aide auditive avant achat ; 4 ans de garantie.

Un plafond est précisé dans le décret : 950 € pour une oreille, 1 900 € au total, et sera applicable à partir de 2021. L’appareil auditif pourra être pris en charge tous les quatre ans.

Pour la classe 2, à tarifs libres, le tarif de prise en charge par les contrats des assureurs complémentaires (contrats responsables) limite la prise en charge totale  à 1700 € par oreille à appareiller.

Dossier de presse 100% Santé

Pour le dentaire

Il existera trois paniers de soins prothétiques :

1. Le panier « 100% santé », intégralement remboursé,

2. Un panier aux tarifs maîtrisés, via des prix plafonnés (25%),

3. Un panier aux tarifs libres permettant de choisir librement les techniques et les matériaux les plus sophistiqués Le panier de soins « 100% santé » permet de couvrir un large choix de prothèses fixes ou mobiles, avec des matériaux (céramo-métallique, céramique full zircon, etc.) dont la qualité esthétique est adaptée à la localisation de la dent (distinction des dents « visibles » et celles « non visibles »).

Les tarifs des mutuelles vont-ils augmenter ?

Une étude d’un cabinet Santiane publié fin octobre, affirme que l’explosion des remboursements pour arriver au reste à charge zéro obligera les complémentaires santé à relever leurs tarifs, en moyenne de 6,8% au terme des trois ans de déploiement du dispositif. Avec une facture plus salée pour les retraités, gros consommateurs de soins dentaires et d’appareils auditifs. Pour eux, la hausse de la cotisation se situera autour de 9,4%.

Le gouvernement souhaite que les mutuelles n’augmentent pas leurs tarifs : Benjamin Griveaux, son porte-parole, a ainsi déclaré sur France 2 : « Les mutuelles se sont engagées à ne pas augmenter les prix, je les invite à respecter les engagements pris devant l’État ». Selon le président de la Mutualité française, Thierry Beaudet, la modération tarifaire devrait régner en 2020.

Des impacts encore flous…

La réforme doit se traduire par un surcoût de dépenses d’un milliard d’euros, dont les trois quarts seront pris en charge par l’Assurance maladie, le quart restant par les complémentaires santé.

Un bras de fer s’est engagé entre le Gouvernement et les complémentaires pour contenir la hausse des tarifs. Au-delà, il s’agit de trouver un équilibre entre prix pratiqué et qualité des soins et étendue de la demande.

Pour la Fédération nationale des opticiens de France, « aucune étude d’impact n’a été réalisée par le gouvernement. On n’a aucune idée du comportement des consommateurs ». Si 20% des Français se reportent sur les offres 100% santé, Alain Gerbel, président de la Fédération craint la fermeture de 1 500 à 2000 points de vente ! Les grands réseaux pourraient se voir conforter au détriment des petits opticiens de quartier.

Du côté des associations de patients, si la réforme est de bon augure, la vigilance reste de mise. Dans un communiqué, France Assos santé écrit : « Nous restons vigilants, une enquête de l’UFC-Que choisir ayant fait état d’une hausse de plus de 4% pour la moitié des contrats étudiés en 2019 et certains allant même jusqu’à 20%. (…) S’engager à ne pas augmenter les tarifs du fait de la réforme ne signifie pas qu’il n’y aura pas de hausse pour d’autres motifs. »

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